Eclipse chasers

Depuis quelques temps déjà, le bruit court : le 9 mars à 8 h 30, éclipse totale de soleil. Cette nouvelle devint objectif, et je m’organise pour être là-bas, au plus proche du maximum point, le jour J.

Tout le monde en parle au pays Toraja. “Are you going to the eclipse?” Il y a ceux qui l’apprennent sur le tard, et ceux qui traversent le globe pour la voir. Je découvre donc tout un monde de passionnés qui vouent un culte à l’astre solaire.

Il y a cet américain de 55 ans, avec son style Indiana Jones équipé par Nature & Découverte. Il est venu en Indonésie 5 jours seulement, juste pour l’éclipse, ici, au fin fond de la Sulawesi. Obsessionnel un peu fou, c’est le plus préparé d’entre nous.
Il y a ces deux retraités qui, depuis qu’ils se sont retrouvés en congés il y a 15 ans sous une éclipse, organisent leurs vacances entre copains en fonction des éclipses. Pas mal comme thème !
Il y a ces hippies bobo et quarantenaires qui organisent un festival à chaque éclipse depuis 25 ans. Le premier c’était au Rajasthan, et depuis, LSD et éclipses semblent faire bon ménage.
Tout le monde a sa petite histoire, et chacun se plaît à la raconter.

Et moi dans tout ça ?
J’arrive à Ampana juste à temps pour mon entretien skype, je passe la nuit dans une petite auberge et me voilà, à 7 h 30 sur la plage avec mes lunettes de soudeur. Quelques locaux viennent me rejoindre, curieux et excités. Les plus jeunes semblent avoir trouver sur internet les instructions pour se construire des lunettes de protection. Nous faisons tourner nos masques à ceux qui n’en n’ont pas, ça sera dommage de louper pareil spectacle.
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La lune est à l’heure. Aucun changement notable à l’horizon mais petit à petit, la luminosité baisse.
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Les gens s’arrêtent, la ville semble se calmer et le marché tout proche sombre dans le silence. Même les chats errants et les coqs semblent ralentir leur course. Et puis soudain, le dernier rayon de soleil disparaît.

Les lunettes ne sont plus nécessaire pour observer l’anneau de feu. La nuit est tombée en plein jour. Je regarde le spectacle comme un enfant, les émotions me submergent, les larmes me montent aux yeux.
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Et soudain, là, dans cet instant suspendu comme une éternité, il me semble tout comprendre.
La fascination des Incas pour la lune et le soleil, créateurs et destructeurs divins.
La lune, qui depuis un an ponctue mon voyage, au rythme de l’alternance de ses phases.
Le soleil qui tanne ma peau et blondit mes cheveux.
La Voie Lactée en Bolivie.
La croix du Sud au Pérou.
La ceinture d’Orion au Mexique.

Ce sentiment d’être là, maintenant, présent. Ç’est important d’être là et maintenant, et pas hier ou demain. Récemment, j’ai lu un livre sur le bouddhisme. J’ai retenu une phrase, une seule, un dicton tibétain :
“Nul ne sait qui vient d’abord, demain ou la mort.”

Cette éclipse, qui vient comme un rappel de l’intensité avec laquelle j’ai vécu ces 15 derniers mois, elle est à moi. Un instant. Une éternité.
Et si je décidais de vivre le reste de ma vie avec autant d’intensité ? Une vie, ça fait un paquet de pleines lunes, et sûrement, j’espère, d’autres éclipses au bout du monde.

3 commentaires

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  1. jldx32015Delémontex JL · mars 20, 2016

    Saisissant! Je te souhaite de vivre le reste de ta vie avec cette intensité.

  2. jean-philippe BEL · mars 20, 2016

    Coucou,

    Juste pour te dire que ton article sur l éclipse est magnifique, merci!!!! C est profondément touchant…

    Bisou bisou!

    Date: Sun, 20 Mar 2016 00:15:10 +0000 To: whoolhat@hotmail.com

  3. Xav · mars 20, 2016

    Je crois que tu as trouvé ce que tu étais venu cherché autour du globe mon Sim’