FIN 2014, L’ANNÉCIEN SIMON CROZ LAISSE EN PLAN SA CARRIÈRE EN SUISSE « IDÉALE » POUR UN TOUR DU MONDE, A PRIORI ALÉATOIRE. DE RETOUR CE PRINTEMPS, IL RETRACE POUR NOUS SON PARCOURS, HORS CIRCUITS TOURISTIQUES, AU FIL DES LIEUX ET EXPÉRIENCES QUI FURENT POUR LUI DE VRAIS TOURNANTS DE VIE.

Par Pascale Chatillon (Activmag, été 2016)

“ LÀ OÙ J’AI DÉCIDÉ D’OSER LE GRAND ÉCART DU GRAND DÉPART”

Suisse, 2013.

30 ans sonnent au compteur de Simon. Et cette prise de conscience d’être installé dans une trajectoire tracée d’avance. Comme un besoin d’autre chose. D’inattendu. En août, il s’offre une escapade sur une autre planète : le déjanté festival « Burning Man » dans le désert du Nevada. De retour aux figures imposées, il en frôle le « burning out. ». Juin 2014 : cette fois, l’occasion fait l’évasion du luron. Il part quelques jours pour la Chine avec ses parents rejoindre son frère, qui vit là-bas. Au détour d’une randonnée en solo, Simon se retrouve au « Half Way Hostel » (ça ne s’invente pas !). Au petit matin, à 3 000 m d’altitude, c’est le déclic : se lever tous les jours avec des perspectives différentes, c’est ce qu’il veut vivre maintenant. C’est son moment. Il démissionne la semaine suivante.

Annecy, 6 mois avant de partir.

Avec Mat, son « vieux » compère de pérégrinations, l’idée n’est pas de « faire » un voyage, mais de laisser le voyage les faire. Pas de programme. Pas de concessions sur l’itinéraire personnel que l’un ou l’autre souhaiterait prendre. Sur cette même longueur d’ondes, Mat et Simon ne rentreront pas ensemble. “J’ai vite compris que je n’allais jamais faire le tour complet du monde. Alors, au lieu de courir après mes « musts » fantasmés, l’Ile de Pâques par exemple, je me suis laissé orienter par les rencontres, les envies, les informations glanées auprès d’autres voyageurs. Et puis, il y a eu des moments et des pays où mes amis et ma famille pouvaient me rejoindre et qui m’ont fait changer de parcours…”

“ LÀ OÙ LA SOLITUDE M’A RENDU PLUS ENTIER.”

2ème mois du périple, traversée en solitaire de la frontière Chili-Argentine. 5 jours de randonnée sauvage entre lacs et forêt vierge, juste avec un Ipod et un smartphone GPS pour compagnons. Oui mais… Lors de sa marche en mode survie, « l’inaccessible étoile » de Jacques Brel dans les oreilles et les tripes, Simon découvre le lâcher-prise du tête à tête avec un paysage et un instant. Lui, l’expert du digital, se souvient de ces périodes déconnectées, sans wi-fi, comme parmi les meilleures.

“ LÀ OÙ J’AI TROUVÉ LE BONHEUR AVEC LES CHOSES ET LES GENS LES PLUS SIMPLES.”

Février 2015, Nord de l’Argentine. Mat et Simon partagent les chemins de traverse de la vallée d’Iruya, un dédale escarpé reliant des villages d’altitude, dépourvus d’accès routier parce qu’isolés 5 mois par an par des rivières en crue. C’est là qu’ils tomberont sur une auberge tenue par un garçon de 14 ans, dont les parents sont partis faire le marché (4 jours de randonnée). Un quasi enfant qui, après avoir couru les dénivelés entre collège du matin et troupeau de chèvres l’après-midi, leur préparera à dîner et les servira. Avant que lui-même et ses petites sœurs prennent leur repas… Plus frugal.

“ LÀ OÙ J’AI SENTI QU’UN MOMENT PARFAIT, C’EST MAINTENANT OU JAMAIS.”

11ème mois de voyage. Mexique. Avant de quitter les barouds d’Amérique latine, Simon a besoin d’une pause sans toujours se demander en permanence où aller, où dormir, où manger. Il se pose à Mazunte. Son « pueblo magico » à vie, lové au fond d’une baie, encore traditionnel et préservé du « tout venant », reconverti dans l’écotourisme et la protection de la tortue. Hamac sur la plage, lever de soleil à 6h30, tête dans les vagues, yoga, rencontre des dauphins et tortues, lecture, sieste, plage, couché de soleil… et, le soir, les films que diffuse une dame qui vient déplier son écran blanc. Et puis des rencontres à vivre à fond, là, maintenant, tout de suite… Le 13 novembre, la veille de son départ, Simon, « off Internet », est informé par un nouvel arrivant des attentats de Paris. Fin du paradis.

“ PARTOUT OÙ L’ABSURDITÉ ÉCOLOGIQUE A FONDÉ MES PROJETS D’AUJOURD’HUI.”

Notamment l’Asie, l’Amérique du Sud. Le sous-développement environnemental des pays en voie de développement économique, Simon le voit, le vit. “Là-bas, on court après la croissance, voire la survie. On se fout des dérèglements climatiques. Comme dans le Delta du Mékong où le fleuve est une décharge à ciel ouvert, qui va se déverser directement en Mer de Chine. Comme dans tous ces pays où l’eau potable est exclusivement en bouteille, mais dont le plastique finit à l’eau. Alors que Los Angeles est une ville « bottle free », là où l’eau est pourtant déjà recyclée. Avec partout des stations refill (permettant de remplir à l’infini un même récipient)…”. Simon ne s’arrêterait pas de faire le tour des désordres climatiques, mais aussi sociaux, laissés par les conquêtes occidentales. Nous y sommes. Au terme de son récit de voyage, nous voilà arrivés à ce qui oriente les projets de retour du trentenaire, enfin parvenu aujourd’hui sur SA voie : devenir vidéaste documentaire, pourquoi pas au service d’un développement durable ? Et Global. Prochaine étape du « Géo-Je me suis trouvé » : une formation de vidéaste au Canada. Tiens ! Une occasion de découvrir encore une partie du monde… et sans doute de lui-même.

http://www.activesmag.fr/feuilletez-activmag-de-lete-2016-en-ligne/

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