Retrouvailles: Les deux frères en Indonesie, par Charles

« Soit on est fatigué, soit on est reposé, et entre temps, on dort. » C. Croz, 2016

Ce billet aurait pu s’appeler « une histoire de sommeil », ou comment deux voyageurs ont dépensé leur énergie pendant une vingtaine de jours. Finalement, j’ai opté pour le laconique “retrouvailles”, bien plus apte à susciter l’émotion du lecteur.

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Premier février, après-midi. Course à Hong Kong pour changer mes yuans en roupies. Je vais au bureau de change que des Indonésiens m’ont conseillé. Taux exorbitant ! Non merci. Retour à Tsim Sha Tsui, ou je connais une bien meilleure adresse. Je change mon argent. Je suis prêt. L’heure ? L’heure ! Plus de temps pour aller à l’aéroport en bus. Un taxi. Un taxi ? A Hong Kong, à 18 h, un taxi ? La providence m’en envoie un ! Première épreuve surmontée. Sac enregistré. Hong Kong – Singapour – Denpasar.

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Singapour ? Ha, les joies d’une escale en pleine nuit. J’achète un petit manuel d’indonésien, une salade, un jus de fruit. Il faut bien tuer le temps. Et le temps meurt. Direction l’embarquement, FreeWifi@SGPAirPort. Whatsapp. Simon sent you 1 message. Message vocal, voix enfarinée. « Charles, j’ai raté mon vol ». Une histoire qu’il vous racontera mieux que moi, mais un coupable : la fatigue.

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C’est donc après une magnifique journée en solitaire à Bali que vers 1h du matin, je retrouve mon frère. Un peu de repos pour se remettre des émotions de la veille. Juste le temps pour Simon de casser son téléphone. Le reste du voyage se fera sans autres contretemps. Le lendemain, première expérience de la saison des pluies. Cuisine locale et saveurs du terroir : brochettes sate, légumes en sauce, avec à l’apéro saucisson et vin rouge. Et planification de la suite. On visite aussi un petit temple (et il y en aura beaucoup) où l’on assiste au début de la construction d’un personnage (Ogoh-ogoh) qui trônera sur un char pour une parade à laquelle hélas je ne pourrai assister.

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Le jour suivant, cinq heures. Réveil. Sac. Taxi. Aéroport. On arrive bien sûr trop tôt. Donc attente. Au cours de son périple, Simon semble avoir développé une terrible capacité à s’endormir n’importe où, très rapidement et sa mésaventure de Manille ne l’a pas vacciné. Je veille au grain et le tire de sa torpeur avant l’embarquement. Queue, vérification des billets. « Oh, sir, there has been a gate change. » Course. Embarquement. Crise évitée. Nous voilà à Yogyakarta.

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Yogyakarta, ville du centre de Java, est connue pour deux choses. Les batiks, technique de teinture utilisant de la cire, et Borobudur et Prambanan, deux temples impressionnants. Deux journées pour faire le tour. Marches colorés. Levé de soleil sur Borobudur (des nuages, mais belle vue). Musique live. Taxi, gare, train de nuit pour Malang (dans ma poche).

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Encore une nuit difficile, car dans les transports. Ca ne sera pas la dernière d’ailleurs, mais on commence à avoir le coup. Le train arrive presque à l’heure. Nicolas, Tari et son père nous récupèrent et nous amènent à notre hôtel. Ah oui, car Malang (de bœuf), ce n’est pas une ville qu’on trouve dans tous les guides. On est ici parce que la femme (Tari) d’un de mes amis (Nicolas) est indonésienne, et sa famille habite ici. Ils sont en vacances aussi, donc escale.

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Au programme de la première journée : massage, balades, et excellent dîner dans la famille suivi d’une bonne nuit dans un bon lit. Le massage est très tonique au début (les masseurs n’y vont pas de main morte), puis on est invité à aller dans des box ou le travail continue. Quelques minutes pour se rendre compte que ce ne sont pas des mains qui nous pétrissent, mais des pieds. Exactement ce qu’il nous fallait pour se redynamiser. Le soir, au menu, mets locaux. J’aide les femmes à faire la cuisine, ce qui les fait bien rigoler. Potage de légumes, tofu frit, chips de peau de bœuf, et au dessert, gâteau Star Wars.

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Le lendemain hélas, on a un peu moins de chance. C’est le weekend, donc beaucoup de monde sur la route, donc des embouteillages, mais surtout, le temps qui se gâte. Dans la voiture, on est au sec, mais dehors, la pluie se déchaine. Bien que la route de montagne se transforme en torrent, on continue l’ascension. C’est beau, c’est impressionnant. Mais arrivés en haut, la visite des sources est un peu compromise. Longue redescente, bouchons. Street food. Repos.

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Dernière journée à Malang (de chat), qui sera haute en couleurs. En effet, c’est le nouvel an chinois. On se rend donc au temple. Beaucoup de gens sont là pour le spectacle, c’est bon signe. Les organisateurs galèrent un peu à faire se pousser les gens, qui ne cessent de s’avancer de plus en plus près de la « scène ». Les acrobates arrivent, dans leurs costumes de dragon. Deux par bête : un pour les pattes arrière et le corps, un pour les pattes avant et la tête, équipée de système pour tirer la langue et cligner des yeux. Belle performance, très beau spectacle. Puis processions dans le temple. L’odeur d’encens est très prenante, les décorations bariolées. Les gens viennent mettre des bougies, des bâtons d’encens, de l’huile dans les lampes. 恭喜发财(Gong xi fa cai) !

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On continue la visite de la ville par le marché aux fleurs et aux oiseaux. Surtout aux oiseaux. Et aux poissons aussi. Et des chauves-souris. Et un peu de tous les animaux en fait. Ça sent fort, ça piaille, c’est chouette. Un vrai nid à H5N1 ! Puis on passe au musée. Il faut bien se culturer un peu ! Histoire de Malang (de vipère), de la préhistoire à la seconde guerre mondiale. Tout un programme. Pour ne rien gâcher, la guide est charmante. Mais le temps n’a pas suspendu son vol. Récupérons nos sacs, un bus (de nuit) nous attend. Direction Banyuwangi, au revoir Malang (vivante).

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Arrivée matinale, bus, moto, nous voilà à l’auberge qui nous servira de base pour aller gravir le volcan Ijen. D’ici là, on se balade un peu dans les champs. Je vais faire mon petit marché de fruits. On se repose un peu aussi. Le lendemain sera notre réveil le plus matinal. Minuit trente. Oui, oui, minuit trente du matin. Nous partons donc sur notre scooter, en prenant soin d’éviter la faune nocturne qui prend possession de la route.

On a légèrement surestimé notre véhicule, qui peinera à porter seulement Simon jusqu’au départ de la randonnée, pendant que je me fais prendre en stop par un mineur en moto. Grimpette jusqu’au sommet, puis descente dans le cratère. Quelle bonne odeur de soufre de bon matin. Oui, car l’Ijen est un volcan dont les fumées sont riches en soufre. Elles sont donc canalisées, condensées, puis le soufre durci est ramassé par les mineurs qui le remontent sur leur dos, avant de redescendre au « camp » le vendre. Dure vie. L’ambiance dans le cratère est assez unique. Beaucoup de touristes mais aussi beaucoup de mineurs, et de la fumée partout. Il y a aussi un lac qu’on ne verra pas, ou si peu, par défaut de visibilité. On remonte (du cratère), on redescend (le volcan), en achetant du miel (au goût bien soufré) sur la route. A l’auberge pour le petit-déj, puis re-repos.

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En tout, un jour et demi ici, avant de retourner à Bali. Ferry. Bus. Pemuteran. Très belle troisième rencontre avec la pluie indonésienne. Les autochtones ont leurs combines pour se protéger des flots qui envahissent les rues. On squatte un peu la piscine, où on commence notre entrainement d’apnée. Nous repérons un peu les étapes de la suite du périple. Singaraja, Munduk, Amed.

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Singaraja, c’est surtout notre camp de base pour Munduk. On y pose le gros de nos affaires, on loue des scooters (un chacun cette fois). Et en voiture Si… Munduk et ses environs, en altitude, ce sont des lacs, de beaux paysages, des singes, des rizières, des compétitions de toupie, des repas végétariens (essayez le gado-gado, un plat de légumes cuits à l’eau avec une délicieuse sauce à la cacahuète), des cafés. En regardant les photos de mon téléphone, c’est ici que j’en aurai pris le plus. Est-ce révélateur ? Beaucoup de bleu (le ciel), de vert (le riz), d’orange (le ciré de Simon). Avec le recul, c’est aussi une étape sur laquelle j’écris peu. Parce qu’il y a tant à voir, il n’y a plus rien à dire ? Panne d’inspiration ou paresse lors de la rédaction ?

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Dernière destination, Amed (enfin, Jemeluk, à côté). Nous avons deux petits bungalows mitoyens, vue sur la mer. Poisson frais le matin et le soir, quand les pêcheurs rentrent de leur besogne. Snorkeling, où on voit de magnifiques poissons de toutes les formes et de toutes les couleurs (même des luminescents lors d’un petit bain nocturne). Combat de coqs (mon baptême, le frère en a vu aux Philippines), dans une ambiance très masculine de paris (les jeux d’argent, pas la ville), les femmes étant de garde aux différents stands de nourriture.

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En parlant d’ambiance très masculine, on assiste aussi à un spectacle de danse traditionnelle où les hommes (éméchés) payent pour aller danser avec la ménade qui se déhanche au rythme des percussions.

Mais, nous sommes déjà le 18, j’ai un vol ce soir. Je laisse Simon à ses cours de free-dive (c’est comme de l’apnée, mais en plus anglicisé). Rendez-vous au Vietnam. Je prends un bus pour Denpasar. Un dernier massage avant le retour. J’en profite aussi pour repasser au temple (voir le paragraphe 4) et constater l’avancée des travaux sur ce brave Ogoh-ogoh (une divinité et un serpent à sept têtes), qui est passé de squelette de bambou à statue de papier, la queue du serpent se couvrant peu à peu de feuilles mimant des écailles surdimensionnées. Ultime collation. Taxi. Denpasar – Kuala Lumpur – Hong Kong. Dix-neuf février.

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Un commentaire

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  1. Croz Geneviève · mars 2, 2016

    Lecture de vos pérégrinations… enveloppée dans mon poncho en caoutchouc! Que d’eau que d’eau!
    Quelle belle parenthèse, riche en découvertes culturelles et humaines; le clou, c’est quand même de l’avoir partagée entre frangins.